Rapport d'élevage : Caridina japonica


Introduction
Après l’acquisition de 5 crevettes Caridina japonica pour mon bac à tendance asiatique, j’ai rapidement eu la surprise d’en voir certaines porter des œufs. Sur mes 5 crevettes, 2 sont des mâles et les 3 autres des femelles (logique :)). Après quelques recherches sur le sujet, je décide à m’essayer à leur reproduction. J’ai d’abord essayé un peu au hasard, mais aucune larve n’arrivait à passer le cap de la première semaine, malgré diverses « expériences » de salinité etc. Voici donc une méthode qui a fonctionnée chez moi, voir en bas de page pour les sources et remerciements :)

Matériel
- éclosion : bac en acrylique de 4L + couvercle
- passage « eau de mer » : bac en verre de 20L + pompe à air sans diffuseur + couvercle en verre + thermoplongeur + éclairage
- passage « eau douce » : bocaux en verre de 1L
- bac d’élevage final : bac en verre de 20L + filtration par exhausteur + couvercle en verre + éclairage
- sel de mer, nourriture

Eclosion
J’attrape tant bien que mal une ou plusieurs femelles Caridina japonica (elles sont moins stressées si elles sont à plusieurs ! Dans la nature, elles vivent en groupes importants), lorsque je vois clairement les yeux des larves dans les œufs que porte la femelle. On remarque également qu’elle est littéralement pleine à craquer et qu’elle passe de longs moments à brasser ses œufs avec ses pattes arrières. Je la place avec un peu d’eau du bac principal, je laisse l’eau se mettre à température ambiante (le bac d’origine est chauffé à 27°C) puis je complète tranquillement avec de l’eau du robinet reposée (l’eau du bac d’origine est un mélange 50% eau osmosée 50% du robinet, cette dernière étant très dure). Je place avec la crevette une touffe de mousse de java ou un Microsorum pteropus, ou tout autre plante. Elle est nourrie tous les jours avec un éclat de morceau pour poisson de fond omnivore Tetra TabiMin. Je siphonne les déchets tous les jours et change environ 1/3 de l’eau, toujours avec de l’eau du robinet reposée. Généralement, le largage des œufs ne se fait pas attendre. Chez moi par contre, je n’ai jamais constaté d’éclosion massive des œufs ! Les éclosions des œufs s’étalent sur plus de 2 semaines ! Les œufs restent simplement posés au fond du bac. La femelle est retirée avec une épuisette à grosses mailles. J’arrête de siphonner et de changer l’eau et je laisse la plante. Je nourris les larves avec de l’eau verte que je cultive en extérieur (eau de pluie dans un bidon avec une pollution organique et ensemencée avec l’eau d’une mare voisine).


Bacs de ponte. Celui de droite n'a rien donné car les planorbes arrivés avec la plante ont mangé tous les oeufs ! Ils étaients bien gras ;-)


Passage « eau de mer »
Dans le bac de 20L, je commence avec 10L d’eau osmosée + 330g de sel marin synthétique Reef Crystals d’Aquarium Systems. Certainement du luxe, mais ça me permet d’être tranquille sur la qualité de mon eau de départ. L’eau est brassée vigoureusement avec une pompe que je retire une fois le mélange homogène. Un thermoplongeur maintient l’eau à une température de 24°C (inutile soit dit en passant). Un tuyau d’air sans diffuseur est fixé au milieu du bac à l’aide d’une ventouse, et laisse sortir environ 1 bulle par seconde, juste pour animer légèrement la surface de l’eau et éviter la formation d’un voile. Un couvercle évite l’évaporation. Une petite réglette fluo T5 de 6W éclaire le bac 24h/24. Comme l’éclosion des larves s’étalent dans le temps, je ne sais pas exactement à quel jour de leur vie se fait le passage en eau de mer. J’ai pris pour habitude tous les 3-4 jours d’attraper avec une seringue et une lumière pour les attirer les larves. Je les jette littéralement dans l’eau salée directement. Ca peut sembler quelque peu violent, mais j’ai obtenu de moins bons résultats en faisant une salaison progressive au goutte à goutte. Aucune idée toutefois du taux de survie, difficile à estimer tant les larves sont minuscules et nombreuses, mais la plupart semblent s’accommoder de ce supplice ;). Elles sont alors nourries avec de l’eau verte marine, cultivée dans des bocaux sous éclairage artificiel (une simple lampe de bureau de 9W). La souche est de la Dunaliella salina, même s’il ne semble pas y avoir que ça dedans ! C’est la même eau que le bac.

Le bac d'eau de mer. On voit déjà sur les parois apparaître des algues brunes, et l'eau commence à prendre une coloration.


Croissance
Pendant les 15 premiers jours, je donne principalement de l’eau verte, une seringue de 15ml, mais c’est vraiment « au pif » ! De temps en temps, un tout petit peu de levure boulangère diluée dans un peu d’eau. Au bout de 3 semaines, les larves les plus avancées ont bien grossi, et avec ma petite loupe x12, j’arrive à voir quelques changements anatomiques. Pour les aider dans leur croissance, et parce qu’à mainte reprise, j’ai lu que l’eau verte n’était pas suffisante, j’ai donné du comprimé de fond Tetra TabiMin, qui se réduit très facilement en poudre. Je l’ai choisi également car mes Caridina japonica adultes aiment le voler aux Pangio kuhlis de mon bac ;-) Je donne alors un peu de cette poudre, qui tombe progressivement au fond sous l’action du bulleur. On voit nettement, même à l’œil nu, les larves qui attrapent et dévorent des petits morceaux. Rappelons le, les larves sont encore planctoniques, elles flottent plus ou moins la tête en bas, mais arrivent à saisir la nourriture en pleine eau, ou plus généralement au fond. La croissance s’est nettement améliorée pour les larves les plus avancées, qui ont pris une couleur fortement orangée. Toutefois, la différence de croissance est impressionnante, certaines semblant tout simplement ne pas évoluer. Pour lutter contre une partie de la pollution engendrée par cette poudre que je donnais en quantité généreuse, j’ai décidé d’augmenter l’éclairage en ajoutant une autre réglette fluo T5 de 8W équipée d’un tube Aquaglo (équivalent Grolux). L’eau, forte de l’éclairage augmentée et de la pollution, est devenue très verte, aussi verte que l’eau de culture. A tel point que je ne parvenais même plus distinguer le thermoplongeur dans la petite cuve de 20L !

Passage en eau douce
Malheureusement, le développement de la Dunaliella salina et mes seulement 2 changements d’eau de 5L sur le mois de croissance n’ont pas suffit à enrayer une montée de la pollution qui s’est avérée fatale pour les larves les moins avancées ! (pour ma défense, mon installation n'était vraiment pas assez pratique, le bac était posé au bas du meuble aqua, donc pour siphonner... D'ailleurs je conseille pour siphonner d'utiliser un tuyau à air muni d'un diffuseur par lequel on aspire l'eau ! Rien ne passe, pas même la plus petite des larves.) J’arrête donc le bac en récupérant les larves survivantes qui sont proches de leur métamorphose. Je me trouve donc avec une quinzaine de larves. Elles sont réparties dans 2 bocaux de 1L, à température ambiante de 20-22°C. Le premier avec 500ml de l’eau du bac « d’eau de mer » que je complète avec de l’eau du robinet reposé, afin de descendre la salinité à 17 g/l. Le deuxième avec 500ml d’eau du bac « d’eau de mer » complétée avec 500ml d’eau de mer neuve. Dans le premier bocal, 3-4 larves mourront en 2 jours, alors que dans le second que je ne rencontrerai aucune mortalité. La descente en salinité n’a pas grande conséquence sur les larves à condition qu’elle ne se fasse pas trop tôt. Le mieux est d’attendre leur métamorphose en juvéniles dans une eau de mer (des répliques miniatures des adultes, d’environ 8 à 10 mm seulement), et de les transférer dans un autre bocal pour faire un dé-salage. Il est très difficile de les attraper, elles sont aussi rapides que les adultes ! J’ai du faire l’usage d’un tamis à artémias, j’avais peur de les blesser ou même de ne pas réussir à les voir dans une épuisette à mailles fines.
Dans les bocaux, je changeais au moins 50% de l’eau par jour, et nourrissais qu’avec des morceaux de comprimés de fond. Je complétais avec de l’eau salée à la concentration que je voulais (je fais une descente progressive sur une bonne semaine, même si un test sur 2 crevettes laisse à penser que c’est assez inutile).

Un simple bocal en verre de 1L à ouverture large, contient une dizaine de crevettes.




Quelques juveniles qui viennent de finir leur métamorphose : elles ont pris la morphologie et la couleur des adultes. Elles sont encore dans le bocal de 1L dans lequel je baisse la salinité.


Bac d’eau douce
Une fois la salinité dans les bocaux tombée à zéro ou presque, je les transfère dans le bac de croissance. En effet, elles sont encore beaucoup trop petites pour aller dans un bac avec des poissons ! J’ai mis un petit centimètre de sable de Loire pour les occuper ;-), 1 petite racine sur laquelle un Microsorum pteropus est fixé, un peu de mousse de java, quelques pousses de M. pteropus « windelov », un brin de cerato., de la Sagittaria subulata, bref ce qui me passait sous la main ! Un petit filtre de coin à exhausteur rempli de masses filtrantes usagées se charge de purifier l’eau. Le couvercle en verre + le morceau de perlon évitent l’évaporation et toute tentative d’évasion. Au début très timides, elles commencent à se montrer facilement et viennent sur le devant du bac chercher leur nourriture quand je jette un éclat de comprimé de fond. J’ai transféré une douzaine (je ne sais pas combien exactement) de juvéniles, et quelques jours après au moment du repas, j’ai réussi à en compter sûr 11. Bref mission réussie ! Je vais les laisser grandir encore, jusqu’à atteindre une taille un peu plus respectable, qui leur permettra de faire face à la voracité des poissons.

Un bac de 20L d'eau douce, une simple filtration par exhausteur, un fond de sable, quelques plantes (à rajouter une bonne touffe de mousse de java !) et...




... les crevettes ! Elles sont accrochées sur le joint du bac de 20L, ça donne une idée de l'échelle ! Elles mesurent environ 1cm de long. Le premier qui dit qu'elles ont un regard idiot aura affaire à moi ! ;-)


Conclusion
Voici en grandes lignes une méthode « qui marche ». A température ambiante, nourrir (nourriture vivante : eau verte + levure et nourriture inerte : comprimés de fond) les larves que l’on aura passé en eau de mer (33g/l) au bout de quelques jours de vie. Faire des changements d’eau réguliers et importants afin de maintenir une qualité d’eau irréprochable. Attraper régulièrement les larves qui sont proches de la métamorphose (après, ça risque d’être très difficile), les mettre dans un bocal où l’on continue les mêmes soins en prenant en compte le faible volume. Dès métamorphose (les premières au bout d’une trentaine de jours), passage progressif (sans en faire trop !) à l’eau douce. Puis transfert dans le bac d’eau douce de croissance.
On voit souvent que les larves ne survivent qu’à une salinité d’environ 17g/l, mais à cette densité, je n’ai rencontré que des échecs cuisants. J’ai pourtant mis la main sur une étude japonaise très sérieuse (pas facile, elle date de plus de 20 ans et n’est sortie que dans une revue scientifique japonaise !) qui préconise une salinité de 16.9g/l pour un taux de survie optimal. Mais le reste de l’étude (notamment l’alimentation) concorde. Et les schémas qu’ils ont fait des 9 stades larvaires de Caridina japonica sont remarquables.

Sources et remerciements
De tous les sites visités, je remercie principalement :
- http://caridina.japonica.online.fr et son aimable Webmaster !
- http://mikes-machine.mine.nu/breeding_yamato.htm dont je me suis très largement inspiré !
Je vous conseille très vivement la lecture attentive de ces 2 sites, passionnants !

Nourriture :
- Dunaliella salina disponible en souche chez http://www.aqualiment.com
- Tetra TabiMin (comprimé de fond)
- Levure boulangère déshydratée disponible dans votre magasin préféré.

Et merci à vous de m’avoir lu jusqu’au bout !